C'est d'abord en anglais, mais je traduis.
Ce matin, je reçois le message suivant, d'une ancienne étudiante (devenue doctorante, donc jeune chercheuse) :
As part of my application I also need to submit a 200-word scientific
vulgarized abstract (also in french). As I have some of your books and
know that this is something you are very used to doing, I would like to
ask whether you have some tips?
Elle soumet en effet une candidature à un prix, et on lui demande de rédiger un texte clair et attrayant. Comment faire ?
M'interroger me fait beaucoup d'honneur,, mais j'ai réfléchi, et voici ma réponse, d'abord en anglais, puis en français.
About the 200 word piece, I would certainly advise to ask first a
question, then show how difficult it is... before giving an answer, plus
a moral relief is possible ("catharsis"). Remember also that it shoulb
be twice clearer than you think it has to be. Chose your words carefully
(a writer is someone who does not find his.her words, so that he/she
looks for them and finds better), and include a "magic sentence", ie a
sentence that anyone should remember for the rest of his life.
Je propose de commencer par une question, parce que c'est une bonne façon d'inviter nos interlocuteurs à vouloir la réponse. Plus exactement, je propose une question aussi intrigante que possible, du style "Puisque l'estomac digère la viande, et que l'estomac est fait de viande, pourquoi ne se digère-t-il pas lui-même ?".
Evidemment, pour candidater à un prix, il faut que la question soit aussi très forte socialement, et il faut "faire monter la mayonnaise", je veux dire commenter la question pour montrer qu'elle est très importante, et que son exploration était indispensable. Puis, ayant ainsi "roulé des mécaniques", on donne la solution, et si possible avec un soulagement moral, ce qu'Aristote nommait la catharsis. Je ne fais pas la théorie de tout cela, puisque c'est en ligne, dans la Rhétorique (d'Aristote), que je vous invite à lire ou à relire.
J'invite aussi notre jeune amie à être deux fois plus claire qu'elle ne pense devoir l'être, parce que, avec des mots choisis, la pensée est plus juste.
C'est pour cette raison que je lui cite cette phrase : "Un écrivain est quelqu'un qui ne trouve pas ses mots, alors il cherche et il trouve mieux"... mais je ne me souviens plus qui a dit cela ?
Enfin, je lui propose de placer dans son texte une "phrase magique", une phrase mémorable, dont chaque membre du jury doit se souvenir après avoir lu le document.
Est-ce de bon conseil ?